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  • Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

La désespérance d'un monde (Chronique #166)


3 décembre 2018,

Je regarde assez impuissant, mon pays s'effriter et se quereller... Les colères sont légitimes et j'en porte certainement quelques unes. Pourquoi en sommes-nous arrivés là... Où allons-nous avec la population qui s'appauvrit ? Avec les changements climatiques ? Avec cette caste méprisante et méprisable. Je commence déjà à regarder ma chère France de bien loin... Car moi qui fait partie des "gens qui ne sont rien" pour notre Président, j'ai décidé de repartir vers les Grandes Terres Canadiennes.


« Je traverse la rue, je vous trouve du travail ! Ils veulent simplement des gens qui sont prêts à travailler » Emmanuel Macron


« Les Français sont des Gaulois réfractaires aux changements » Emmanuel Macron


« On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux et les gens sont quand même pauvres » Emmanuel Macron


« Je ne céderai rien… ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes » Emmanuel Macron


« Certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d'aller regarder s'ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas » Emmanuel Macron


« Une gare, c'est un lieu où on croise les gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien » Emmanuel Macron


« Vous n'allez pas me faire peur avec votre T-shirt : la meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler » Emmanuel Macron


C’est assez ironique de voir comme des moments de notre Histoire peuvent prendre le pas sur nos décisions et sur nos routes. Cela fait six mois maintenant que je grimpe en haut des montagnes, que je caresse les vallées, que je me perds allègrement sur les chemins de pierre, dans les forêts… Six mois que je m’abreuve d’histoires, de légendes, de récits qui font l’âme de mon Pays Basque. Cela fait six mois que j’observe les hiboux dans les arbres, les vautours au dessus de la brume, les chauves-souris dans les cavités. Six mois que je constate que l’Océan ronge nos côtes. Que la sécheresse dévorent nos rivières. Que nos chiroptères disparaissent, nos grottes s’effondrent. Que la Rhune, notre montagne, se prépare à être défiguré par vanité et par profit.

J’espérai naïvement être un acteur important pour mon petit coin de pays… Pour le préserver et apprendre aux autres à en prendre soin… Mais la France ne reconnais pas mes acquis… Elle ne reconnait pas ma valeur. Pour la France, je suis l’éternel petit vendeur qui doit donner les 3/4 de son salaire dans un loyer et qui doit se démerder pour joindre les deux bouts avec les quelques euros restants.


« Une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui réunissent et des gens qui ne sont rien »… Je les ai arpenté les gares parisiennes… Pendant des années. J’avais la sensation de passer ma vie à courir pour faire tourner un monde qui ne me jeté que des miettes. Je devais me loger toujours plus loin, toujours plus cher. Mes salaires augmentaient certes… Mais je peinais de plus en plus à finir le mois. Quel ironie !


Je baignais dans le monde des marques de luxes… Ce monde où l’on aime vous rappeler que vous n’êtes rien… Où la misère n’est que le reflet d’un monde qui satisfait une poignée de privilégié. Durant ces années, j’ai vu les colères se cristalliser… Se crisper, s’intensifier. J’en ai parlé à maintes reprises dans mes chroniques. J’ai vu beaucoup de « gens qui ne sont rien » craquer, abandonner, disparaître.


La colère qui s’exprime aujourd’hui n’est que le reflet d’un monde qui n’a plus grand chose à offrir… Ou du moins qui n’a rien à offrir « au petit peuple ». En réalité, le monde qui agonise, celui qui s’effrite et s’écroule, n’est pas le monde d’en bas… Ce ne sont pas les oubliés de la République (comme on les appelle) mais bien le monde d’en haut. Ce monde qui est déconnecté des réalités, ce monde où s’accumulent les richesses, les cadeaux et les dividendes. Ce monde meurt car la planète meurt… Ce monde meurt car son masque tombe et son jeu de culpabiliser ceux d’en bas ne fonctionne plus.


N’oublions pas une chose… Ce sont eux qui ont le plus à perdre dans la transition écologique. Car nous n’aurons plus vraiment besoin de ces grands groupes dans ce nouveau monde… Un monde plus juste, peut être même plus simple. Un monde où l’on consommera local, où l’on fera travailler nos agriculteurs, nos éleveurs, nos commerces de proximité… Un monde où l’on n’aura plus besoin d’hypermarché qui affaiblissent nos producteurs. Un monde où l’on travaillera pour sa communauté, pour sa ville… où l’on s’occupera d’y développer des commerces, des transports collectifs, des centre-villes dynamiques… Où l’on s’impliquera dans l’associatif, où l’on aidera les personnes autour de nous (les anciens, les jeunes, les handicapés…)


Nos gouvernements successifs n’ont eu de cesse de faire mourrir les villes périphériques, les petites communes… Ce sont-elles aujourd’hui qui expriment leur colère et leur désarroi sur nos ronds-points… Eux que l’on considère comme des « moins de rien ». Pourtant la richesse est déjà dans leurs mains… Ils ont les clés d’une périphérie plus forte, plus juste, plus rayonnante et… PLUS ECOLOGIQUE.


Quoi qu’on en dise, le libéralisme, le capitalisme et la mondialisation vivent leurs derniers instants… Mais cela ne doit pas vouloir dire que nous allons nous renfermer sur nous mêmes. Nous ne devons pas renoncer pour autant à la République et à la Démocratie. Le monde d’aujourd’hui bascule vers les extrêmes les plus nauséabond uniquement parce que la Démocratie ne répond pas aux questions de son époque. Elle reste agrippée à des dogmes qui écaillent sa grandeur, qui fragilise la planète et ses concitoyens. Une démocratie verte est possible, un nouveau monde est possible. Si nous ne saisissons pas le virage qui s’offre à nous… Ce dernier virage… Alors nous disparaitrons.


Les violences que je vois aujourd’hui dans Paris sont insoutenables. Mais ils ne sert à rien d’en détourner le regard ou d’en faire porter le chapeau à autrui. Nous sommes tous responsables de ce chaos. Au milieu de ces foules en colère, rodent des monstres qu’il serait bon de ne pas réveiller. Des monstres qui se délectent de notre République fragilisée et qui n’ont comme propositions que de la violence, de la haine et de l’insécurité.


En revenant en France, après mon année en Protection de la Faune au Québec, j’ignorai que j’aillais redevenir « quelqu’un qui n’est rien ». Je suis revenu ici, la tête remplie d’idée pour protéger mon Pays Basque et ses paysages. J’avais envie de transmettre, de montrer que l’Histoire et la nature ne sont qu’une seule et même pièce. D’apprendre à bons nombres d’entre nous que l’on peut rêver d’un monde différent, que la terre sait être généreuse lorsqu’on prend le temps de vivre avec elle. Mon Pays Basque n’a plus des siècles devant lui… Il se défigure un peu plus chaque jour…


Malgré mes acquis, aux yeux de la France, je dois retourner dans la farandole du capitalisme et du rendement. Dans cette farandole qui nous conduit à grand pas vers… La fin du monde. Je refuse de participer à cette mascarade. Je refuse de hiérarchiser les colères, de me faire l’avocat du diable… J’aime autant la République que les « oubliés ». J’aimerai tant que mon Pays me voit et me comprenne… Et c’est sans doute la revendication de beaucoup de gens. Honte à tous ceux qui instrumentent cette désespérance, à commencer par nos dirigeants (de tous bords) qui piétinent notre patrie en nourrissant la haine et la colère… Là où le dialogue et le débat d’idées devraient l’emporter.


Si je parle de la France de façon si détachée, c’est parce que même si je l’aime… Même si j’aime mon Pays Basque, ses légendes, ses sorcières, ses montagnes et ses vallées, aujourd’hui je dois penser à moi … A mon chemin et au rôle que je veux tenir dans les changements qui se dessinent. Ici je suis un oublié, un rien du tout, un marginal (peut être). Alors je repars vers les Grandes Terres.

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