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  • Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Le chant des huards (Chronique #135)


26 Mai 2018,

Nous partons pour trois jours en voyage de pêche avec notre professeur Richard, en pleine forêt du côté de La Croche. Même si cette expédition entre pleinement dans le programme de Protection de la Faune, elle prend des allures de voyage de fin d’année.

Nous passons nos journées à pêcher sur le fleuve à bord des canots de l’école. Le soir, nous nous retrouvons autour du feu pour partager un repas. Bizarrement, ces derniers jours, je ne trouve pas le sommeil. Dans ces insomnies, j’ai trouvé un camarade. Xavier reste lui aussi très souvent autour du feu avec moi. J’ai peur de la fin annoncée de ce grand voyage… Peur de rentrer… Peur de ne plus écrire… Peur de redevenir un auteur perdu.

Quelque chose s’achève ce soir, autour du feu avec Xavier et Jerémy, nous évoquons nos souvenirs et ce voyage qui nous a tant transformé. La forêt est pourtant restée la même. Elle a gardé la même force, le même regard sur nous. En revanche le mien a changé. Alors, pour contenir ma peine, j’écoute le chant des huards. 


La soirée fut tellement belle, pleine de sourires et de partages. Mais les premiers adieux sont venus s’immiscer dans le bois cette nuit. Oui, quelque chose s’achève, pourtant la forêt reste la même. Même force, même regard. En revanche le notre s’est embué de larmes. Alors, pour contenir ma peine, j’écoute le chant des huards. 


La forêt est belle lorsque l’on brave la nuit avec elle. Se laissant aveugler par le feu qui danse sur quelques bûches rougeâtres, contemplant la lune et ses étoiles qui semblent venir se mirer dans les eaux calmes d'un fleuve. La forêt m’a fait grandir, elle m’a donné sa force et son regard. Elle m’a offert le chant des huards. 


Il n’y a pas de plus beaux chants que celui-ci. Cette mélodie qui vous appelle au fil de l’eau. Des notes harmonieuses à mi-chemin entre la mélancolie et le renouveau. Le chants des huards épouse avec élégance le son des quelques vagues qui viennent frapper nos embarcations immobiles. Il résonne jusque dans les bois et s’invite autour de notre feu où des rires éphémères sont revenus.


J’ai la sensation que ces derniers instants m’échappent et s’éloignent de plus en plus vite… M’empêchant de savourer, de profiter. Cette sensation d’une corde trop lourde qui glisse et me brûle les mains sans avoir d'emprise. Je réalise que c’est surement le dernier feu que je partage avec mes camarades. Je ne suis pas le seul à en prendre conscience. Je le lis aisément dans les yeux de Xavier et Jérémy. 


Je donnerais tout pour que ce feu ne s’éteigne jamais… Que le soleil ne revienne pas. Je voudrais rester caché dans cette forêt, Je voudrais continuer à me nourrir de sa force et sentir son regard sur moi. J’aimerais oublier le monde et que le monde m’oublie. Je voudrais qu’il n’y ait pas d’adieux. Alors, pour nier ce qui s’en vient, j’écoute le chant des huards. 


Je l’écoute avec attention. Chaque note, pour ne jamais les oublier, pour les graver sur mon coeur. Pour m’assurer que cette ritournelle nocturne, qui m’inspire tant, repartira dans mes valises. Je donnerai tout pour que le feu qui nous a si souvent rassemblé ne s’éteigne jamais. Mais je n’aurai pas d’emprise sur cette forêt nocturne. Elle m’offre le chant des huards… Et c’est déjà beaucoup.   

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