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  • Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Le feu, le froid et le silence (Chronique #130)

Dernière mise à jour : 17 févr. 2021



18 Février 2018,

Je profite encore des plaisirs qu’offrent l’hiver canadien. Avec Isabelle, l'une de nos professeures et quelques uns des élèves de l’école forestière, nous partons dans la forêt de l’école pour y installer un campement et passer la nuit, sous les étoiles. Après avoir stocké du bois et déblayé un peu la neige, nous nous installons autour du feu pour partager un repas.

J’ai de plus en plus la sensation de ne faire qu'un avec ces forêts québécoises. Je ne rêve plus de la ville, de ces futilités et de son agressivité. J’appréhende même le moment où il faudra y retourner. J’aime le calme, la quiétude et l’inspiration que m’offre les bois et les sentiers de la "forêt école". Il y a tant d’étoiles au coeur de cette nuit froide. Bien plus qu’à Paris. Elles resplendissent même au travers des épinettes imposantes. Certains camarades du groupe, sont vite partis se coucher… Autour du feu, il ne reste plus que Danielle, Jérémy et moi. Nous nous réchauffons, nous racontons encore quelques anecdotes sur nos vies. Je griffonne quelques idées sur mon carnet. L’envie me vient d’immortaliser ce moment. Ce petit rien, ce pas grand chose qui rythme cette nuit. Je pose quelques mots, je capture l’instant. J’ignore l’heure qu’il est… Nous sommes quelques part entre les minutes les plus sombres de la nuit et les lueurs timides du matin. Jérémy, Danielle et moi faisons encore vivre ce feu au milieu de la forêt enneigée.


Chronique n°130 : Le feu, le froid et le silence


Il est tard, très tard… Quelque part entre minuit et les premières heures du matin. Là où la nuit est reine. Seuls dans le bois, nous défions le froid en entretenant le feu… en récoltant sa chaleur et sa générosité. Vous est-il déjà arrivé d’écouter la forêt dans l’obscurité de l’hiver ? Elle n’est que silence, elle semble absente, effacée. Elle écoute avec nous le crépitement des flammes.


Il est tard, très tard… Isabelle, Danika, Jacob et les autres se sont couchés depuis longtemps, loin du feu et de sa lumière. Il ne reste que Danielle, qui, écorche avec précision un long morceau de bois. Silencieuse et minutieuse dans ses mouvements, elle se sculpte un bâton de marche. Jérémy, qui, alimente le feu avec les quelques récoltes de bois qu’il nous reste. Puis moi, couché dans la neige, captivé par les étoiles que la forêt de conifères nous permet d’entrevoir.


Il est tard, très tard… Après avoir tant ri et profité du feu vif, nous nous laissons bercer par la dernière danse des flammes qui s’amenuisent. Tapis dans l’ombre, la vaste forêt nous observe. Le vent qui court sur les lacs gelés s’invitent dans notre ronde. Il tient tête à cette dernière source de chaleur, faible et fragile. Le silence s’est emparé de nous, comme si, nous nous étions tout dit pour cette nuit. Nos yeux se perdent dans les braisent fumantes.


Il est tard, très tard… Au fur et à mesure que la lumière du feu s’affaiblit, la sombre forêt se rappelle à nous. Elle réapparait, reprend sa place dans le paysage. J’ignore si mes amis l’aperçoivent. Jérémy semble mener un combat avec le sommeil en essayant de raviver les flammes. Danielle, toujours calme et silencieuse continue son oeuvre d’art sans craindre le froid ni la nuit.

Pourtant la forêt semble se rapprocher de nous. Elle qui a ses pieds dans la neige et le bout des ses branches glacés. On pourrait penser qu’elle s’installe à nos côtés autour du feu, alors qu’en réalité, elle ne nous avez jamais vraiment quitté.


Il est tard, très tard… Si l’on regarde par delà la cime des arbres, on croirait voir les premières lueurs du matin. Il ne s’agit en réalité que des lumières de La Tuque, qui, elles aussi, semblent avoir du mal à s’endormir. Dannielle boit une dernière gorgée de chocolat chaud. Jérémy se fait cuire une guimauve sur le feu. Nous ne brisons pas le silence qui s’est installé, nous l’entretenons, nous le préservons. Il nous accompagne comme si nous l’avions, lui aussi, invité à s’assoir avec nous près des flammes.


Il est tard, très tard… Le sommeil nous rattrape et avec lui le froid qui s’engouffre peu à peu sous nos vêtements, jusque dans nos bottes. Jérémy et moi quittons le feu. Sous le petit campement d’hiver, nous nous frayons un chemin, tout en restant silencieux pour ne pas réveiller nos camarades. Emmitouflé dans mon sac de couchage, la chaleur des flammes me manque. La forêt me paraît étrangement moins silencieuse. Son chant lointain me berce et m’accompagne dans les dernières heures de la nuit. Dannielle ne se couchera pas ce soir, tout en continuant son travail d’artiste, elle veillera auprès du feu… Lui permettant de rester en vie jusqu’au petit matin.

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