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  • Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Le Windigo (Chronique #190)


1er Juin 2019,

depuis que je suis guide au parc de la chute Montmorency, je m'approprie une histoire qui n'est pas la mienne. J'essaye de marcher sur les traces de figures historiques, de comprendre les enjeux, les victoires et les défaites de ces terres. Mais au milieu de mes obligations, j'aime aussi retrouver mes passions. Ma fascination pour les Premières Nations, m'a amener à creuser et décortiquer les rapports archéologiques des chutes Montmorency. Je voulais comprendre à quoi ressemblait la vie au pied des chutes avant l'arrivée des Européens... Ces lectures et ces recherches m'ont ramené sur le sentier des légendes... Comme celle du Windigo qui hantait l'ile d'Orléans.  

Dans les forêts du Québec, une créature inquiétante et légendaire survit encore grâce aux récits des peuples Algonquiens. Son histoire est à la fois tragique et terrifiante.

Jadis, le Windigo était un homme ordinaire. Il vivait paisiblement au sein d'un village. Il respectait les rites et les coutumes. Durant les hivers plutôt rudes, les Algonquiens, qui étaient des nomades, se partageaient les vivres pour écarter une éventuelle famine ou les maladies.


Mais une année, alors que l’hiver était plus froid et enneigé que les autres, cet homme s’est éloigné du village pour ne pas partager sa pêche et sa chasse. Il devint égoïste et cupide. Le chef de village lui demanda de quitter définitivement le village. L’homme n’en avait que faire d’être rejeté par les siens, il était persuadé qu’il sera bien assez capable de survivre seul.


Mais une fois dans les bois, loin du village, les choses commencèrent à se gâter. Ses journées de chasse et de pêche devinrent mauvaises. Au bout de quelques jours, il n’eut plus rien pour se nourrir. L’homme tenta de revenir au village en implorant son chef mais celui-ci lui ordonna à nouveau de partir.

Livré à lui même, perdu au coeur de l’hiver, l’homme commença à devenir fou. Il se transforma en une créature mi-bête, mi-homme : il devint un Windigo. Pour se nourrir, il commença à dévorer les gens du village, ceux qui comme lui, s'éloignaient dans la forêt pour cacher leurs provisions par pure égoïsme.

Les Algonquiens craignaient le Windigo et surement que le Canada n’en comptait pas qu’un seul. Cette légende était surtout là pour dissuader les gens des villages de se disperser. D’ailleurs lorsque Jacques Cartier est arrivé sur l’Ile d’Orléans en 1535, cette ile s’appelait « Windigo ».


Les Algonquiens racontèrent la légende de cette bête aux premiers colons français. Eux qui venaient de Bretagne et de Normandie, des Terres riches de légendes et superstitions, n’ont pas hésité à l’appeler l’ile : « L’île ensorcelée ».


Chaque matin, en longeant la promenade de bois près de la chute, je ne peux m’empêcher d’observer cette ile. Ce brouillard qui l’enveloppe lorsque les premiers rayons du soleil viennent éclairer le Saint Laurent.


Où sont parties les légendes de cette île jadis ensorcelée ? Le Windigo hante t-il encore ses abords ? Personne ne semblait connaître son histoire par ici. C’est en fouillant dans les rapports archéologique du parc que j’ai retrouver les traces des algonquiens et des iroquoiens qui se partageaient l’ile ensorcelée et les abords de la chute Montmorency bien avant l’arrivée des Européens.


les histoires du Windigo et de l’ile viennent me rappeler ô combien je me perds dans ce voyage. Moi qui aimait tellement les légendes, je peine désormais à les raconter. Moi qui était fasciné par les Premières Nations, je n’arrive plus à écrire sur Chankoowashtay. Je m’isole, je me sens perdu dans cette ville. J’ignore où est ma place. Mon écriture semble tourner en rond et mes rêves s’amenuisent chaque jour d’avantage.


Je suis pourtant à l’heure des décisions… Mon avenir est-il ici ? Pourquoi alors que Québec me tend les bras, je n’ai jamais eu autant envie de retrouver mes vallées. Pourquoi la vie que je mène ici ne m’offre pas le goût de liberté que j’espérais.


Suis-je devenu sauvage ou animal ? Suis-je devenu le Windigo que tout le monde redoute et rejette ? Je suis bien trop loin de mes terres pour demander conseils aux Sorginak. Bien trop loin de la maison pour faire vivre mes légendes. Mais j’aimerai que les esprits qui enveloppent, chaque matin, l’île ensorcelée m’aident à retrouver mon village…

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