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  • Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Les Chroniques d'un Auteur Perdu 2010 (Chapitre 11)


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Je n’aime pas les premiers soirs de novembre…


La nuit qui s’installe dans Paris, vient bouleverser nos habitudes et éprouver notre moral.


Désormais, chaque fin de journée, je cohabite avec la nuit dans le grand hall du 14 rue bergère. Elle apporte encore plus de profondeur aux couloirs de la banque. Elle accentue les échos et amplifie les silences.


D’ordinaire, j’aime la douceur de la nuit. J’y puise souvent mon inspiration comme beaucoup d’auteur.


Mais celle qui s’installe à la banque ne revêt pas les mêmes caresses…


Elle est plus pesante, presque austère.


Une fois que Zahara quitte son poste vers 18 heures, j’appréhende les instants où je me retrouve seul face à son auguste froideur.


Je classe mes derniers dossiers en vitesse, j’éteins les ordinateurs, je ferme les salles… Je quitte ce vaste lieu au plus vite pour redonner de la légèreté à cette nuit parisienne.

Je m’engouffre dans un métro, direction le carrousel du Louvre.


J’y retrouve Eva. Cela fait des semaines que nous ne nous sommes pas vu.


Nos retrouvailles sont donc assez exaltés. Nous avons, l’un et l’autre, beaucoup de chose à nous raconter.


Nous nous installons dans un McDo à l’abri de cette pluie fine qui adore égayer les premières nuits de novembre.


Après quelques banalités sur nos jobs, les amis et la famille, nous ramenons dans notre conversation cet éternel sujet que l’on adule : l’art.


Mon départ de Disneyland n’a pas seulement bousculé les projets de Sémy… Il a également eu une résonance dans le coeur d’Eva.


Depuis quelques semaines, avec des amis musiciens, elle travaille sur des compositions, des mélodies…


Eva est heureuse de pouvoir m'en faire écouter quelques bribes, quelques notes et un semblant de paroles tout juste susurrées pour ne pas trop déranger les clients du McDo.


Mon amie espère désormais pouvoir enregistrer une maquette avec ses musiciens. Eva évoque la possibilité de quitter Disneyland pour donner plus de temps à ses créations, tout comme moi.


J’en profite pour sortir mon carnet et lui faire lire quelques idées pour de futures chroniques sur mon blog.


Eva se montre enthousiaste. Elle aime ce rendez-vous que j’ai instauré avec l’écriture, les questionnements et les raisonnements qui alimentent mes chroniques.


Comme un rituel bien huilé depuis déjà de nombreuses années, une fois que nous avons évoqué nos dernières créations, nous passons à des confidences plus amères… Celles qui s’engluent dans les doutes et les craintes.


J’avoue à Eva que je n’arrive plus à écrire les aventures d’Ivan, de Mirage et du Royaume de Faery.


Pourtant tous les facteurs sont propices à l’inspiration. Mon travail est intense mais il me laisse chaque jour de longues périodes de calme où l’écriture peut aisément s’installer.


Je l’assure à Eva… Je tente… Je me force à retourner sur les sentiers de Faery…


Mais les ébauches qui en ressortent sont mauvaises et inexploitables.


Cela fait longtemps que je suis persuadé que cette histoire m’aidera à révéler mon talent d’auteur et à mettre fin à la médiocrité des petits boulots sans reconnaissances.


J’en rêve depuis le lycée…


A force de placer trop d’espoir et d’urgence dans cette histoire, j’ai fini par perdre le plaisir de l’écriture.


Me voilà immobilisé dans ma création… Et même si aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir me réfugier dans mes chroniques, rien ne remplacera la satisfaction d’achever ce roman.


Eva n’a pas vraiment de solution a me proposer malheureusement. Elle me transmet toute sa positivité.


Je ne peux pas dire que cela m’aide à retrouver le calme nécessaire pour affronter ces falaises escarpées.


Je n’imaginais pas qu’écrire un premier roman serait un tel défi… Une souffrance.


Une fois que je quitte Eva près des Tuileries, je erre un long moment dans Paris…


J’ai besoin d’analyser mes blocages… De comprendre pourquoi mes chroniques prennent le pas sur mon imaginaire ?…

Pourquoi mon roman s’efface ?

Pourquoi devient-il inaccessible ?


Je me décide à passer chez Sémy… Il est habité par les mêmes démons que moi lorsque les nuits pluvieuses de novembre reviennent à Paris…


Il lui arrive souvent de trouver des solutions à mes angoisses littéraires.


Autour d’un café, nous parlons de son scénario et des obstacles qu’il rencontre. J’évoque également mes propres impasses.


Sans prendre de pincettes, Sémy me lance :


« Je m’en doutais ! je ne voulais pas t’empêcher de te lancer dans ce roman… Mais pour un premier livre tout cela est peut être trop lourd »


Ces mots de Sémy, je l’avoue, je ne voulais pas les entendre mais c’est bien la vérité.


Je me suis imposé un travail colossal pour une première oeuvre… Et de surcroit j’y ai apposé certainement des espoirs bien trop lourd.


Et si je m’étais trompé ?…


Trompé depuis le début…


Et si le problème de mes silences d’écrivain n’avait jamais été Charles ou Disneyland ?…


Et si le vrai problème c’était moi ?


Mon égo d’auteur persuadé d’être à la hauteur d’un projet aussi pointu ?…


Mais que vais-je devenir si « le Royaume de Faery » déserte mes pensées ?


Sémy s’empresse de raviver ma flamme.


« Il n’est pas question que tu abandonnes cette histoire ! Ce qu’il faut… C’est la nourrir d’autre chose… Quelque chose de moins ambitieux, moins compliqué à faire exister… »


Sémy s’allume une clope, attrape sa tasse à café et part s’assoir sur le rebord de l’unique fenêtre de son chez lui.


Il regarde les boulevards et réfléchit.


« Puisque tu es un auteur de fantasy… Nous devons interroger la Reine de ce genre !… Qu’aurai fait JK Rowling face à cette situation épineuse ? »


Je me mets à rire… Pourtant Sémy garde tout son sérieux et son regard fixé sur les boulevards.


Après quelques minutes, il éteint sa cigarette sur le rebord de la fenêtre et se tourne vers moi nerveusement.

«Je sais ! Ecris des contes ! reste dans ce registre que tu connais si bien. Raconte des petites histoires qui feront vivre le Royaume de Faery. Consolide ton univers ! rend-le palpable et légitime. Crée ta propre mythologie… Puis quand tu seras prêt, tu verras qu’écrire ce roman sera devenu bien plus simple ! »


L’idée me séduit.


En rentrant chez moi, je parcours mes livres sur les celtes, sur les légendes, sur le Moyen-Âge, sur les druides, les fées…


Je recherche un sujet intéressant. Je retrouve une nuit inspirante et douce… Comme je les aime tant !


Le lendemain à la banque, durant ma pause déjeuner, j’abandonne ma collègue, Zahara.


Les Contes que Sémy m’a suggéré ne me quittent plus.


Je me rends dans une librairie afin de trouver de nouveaux ouvrages pour m’imprégner de ce genre.


Au hasard des rayons, je tombe sur le nouvel album de Loreena McKennitt. Celle, qui, avec sa musique, avait fait naître les premiers chapitres du Royaume de Faery, il y a de cela bien longtemps…




Chronique n°11 :

Je partage avec vous, une nouvelle histoire de musique.

Celle-ci, nous emporte dans l'univers onirique de Loreena McKennitt. Si je devais citer une artiste qui a toute sa place dans mes interrogations et mes inspirations, ce serait Loreena McKennitt… J’ai découvert cette grande dame par hasard durant l’adolescence.


Je séchais allègrement les cours au lycée pour fuir les moqueries et les menaces dont j'étais la cible privilégiée. J'aimais errer dans une boutique "Nature et Découvertes", j'y lisais des livres et m'abreuvais de musique du monde. C’est là que l’univers généreux de Loreena McKennitt s’est ouvert à moi.


Parlons d’une chanson plus particulièrement : "Caravanserai" est une balade qui a toute son importance. Elle porte un message, une réflexion sur la vie que je m’efforce de toujours fouiller dans mon travail d’écriture.


Je me souviens de cette rentrée 2006… Une nouvelle vie démarrait pour moi. Je me retrouvais seul et perdu dans les rues de Paris… Sans mes repères, sans mes amis… Mais délivré de l'emprise du lycée.

Je traversais les longs couloirs du métro, les bras chargés de bouquins d’études sur l’histoire de l’art. Au milieu des amphithéâtres immenses, des siècles de peintures, de sculptures et d’écritures se rejouaient devant mes yeux… Je ne m’étais jamais senti aussi petit de toute ma vie… Ce sentiment d’être un pas grand-chose, une poussière éphémère qui voyage sans trop savoir où.


J’étais si insignifiant au milieu de l’Histoire, si transparent dans les foules universitaires. Et pourtant je côtoyais, chaque jour, les plus grandes richesses du monde... Et j'aimais ça. Mon seul moment de détente, d’apaisement, se trouvait dans les rayonnages de la Fnac de Châtelet les Halles. Je pouvais y rester des heures, à lire et à m’imprégner de l’histoire des Celtes pour agrémenter mes premiers travaux d’écriture.


Je faisais une halte. Je délaissais un instant ma vie trop lourde. Je retrouvais aussi les talents de Loreena Mckennitt avec "An Ancient Muse", le nouveau CD qui ne tarda pas à rentrer de Paris avec moi.


La musique de Loreena éveilla tant d’histoires, d’univers et de voyages. L’envie d’écrire ne semblait plus me quitter. Ma curiosité musicale s’arrêta plus particulièrement sur cette chanson : « Caravanserai ».


Les siècles passent. Les valeurs de partage et d’amitié se dégradent. Nos sociétés sont creuses et impitoyables. Nous avons oublié l’époque où les Caravansérails fleurissaient sur les routes sinueuses des voyageurs. J’en avais d’ailleurs ignoré l’existence jusqu’à ce jour.

Qu’est ce qu’un Caravansérail me direz-vous ? Ces édifices généreux virent le jour d’abord en Perse puis dans tout le Moyen-Orient. Il y a bien longtemps, ces haltes de voyageurs réunissaient tous les types de cultures et tous les métiers : agriculteurs, marchands, vagabonds ou artistes cohabitaient le temps d’une nuit dans ses lieux.


Beaucoup d’études et de recherches ont permis d’apprendre que de nombreux Celtes d’Europe, de Vikings et de Gaulois ont côtoyé ces contrées et qu’ils commerçaient avec l’Orient.


Les Caravansérails étaient des lieux éclectiques où se mélangeaient les cultures, les histoires, les langages, les gastronomies et les expériences. Il n’y a rien de plus universel qu’un rendez-vous imprévu sur une route inconnue. Rien de plus vrai, qu’une histoire partagée, qu’un lien crée sur un chemin où deux êtres se sont un jour rencontrés…


J’ai la certitude que nous sommes tous des nomades. Nous passons notre vie à réinventer, à changer, à voyager…


L’être humain n’est pas ancré dans le sol. Il porte avec lui ses racines dans un sac à dos. Il parcourt les chemins de la vie en espérant les planter ailleurs.

Les routes sont longues et souvent difficiles… J’aurai aimé faire une halte dans un Caravansérail. Reprendre mes forces et rencontrer ceux qui, comme moi, transportent un chargement de rêves. Des rêves différents des miens, mais tout aussi riches et captivants.


Le temps est passé telle une tempête de sable sur les derniers Caravansérails, les laissant silencieux à jamais… Une question ne cesse de me tourmenter : Comment pouvons-nous parcourir la vie sans ces haltes rassurantes ? sans ces instants où l’on oubliait nos certitudes ? Où l’on était les témoins et les passeurs de ces récits lointains…?


« Caravanserai » de Loreena McKennitt a eu une influence dans mes écrits. Pour rendre hommage à ces partages éphémères et enrichissants, j’ai immortalisé les Caravansérails. Je leur ai offert une place particulière dans mon Royaume de Faery. Pour ne pas oublier ces voyageurs qui, un jour, ont tenu festins, fêtes et repos dans les régions des Caravansérails.

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