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  • Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Les Chroniques d'un Auteur Perdu 2010 (Chapitre 8)


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C’est une bien belle journée. Un de ces regains d’été que l’on aime apprécier avant l’arrivée de l’automne.


Mais contrairement à beaucoup de parisiens, je ne profite pas du soleil et des promenades au bord de la Seine.


Aujourd’hui, je suis de nouveau en train de courir dans les rues de Paris avec mon costume-cravate et mes CV…


Je dois absolument retrouver un travail ! J’enchaîne, d’ailleurs, les entretiens d’embauche.


En tout début d’après-midi, je me rends au siège de la maison Color of Bernisson qui se trouve dans un quartier très huppé du 10e arrondissement de Paris.


J’arrive sur place bien trop en avance, c’est une habitude chez moi tant j’ai peur des retards.


Je me retrouve donc à arpenter les rues alentours, encore et encore, en alimentant inutilement mon stress.


14 heures, l’heure de mon entretien arrive enfin ! Je sonne à l’interphone de l’immeuble.


J’entre dans une cour intérieure calme et verdoyante. De nombreux grand nom de la mode parisienne sont réunis dans ces immeubles Haussmannien.


On y trouve aussi des galeries d’arts, des dessinateurs, des décorateurs… L’éclectisme des arts et des savoirs rendent ce lieux à la fois coloré et loufoque.


Je monte trois étages sans ascenseur pour rejoindre les bureaux de « Color of Bernisson ».


C’est une marque de vêtements très en vogue. Beaucoup de stars françaises et internationales en sont les égéries.


Les créations de ce groupe se veulent à la fois conventionnelles dans le style et sulfureuses dans l’utilisation des couleurs.


Je suis accueilli par une charmante stagiaire, très poli et prévenante.


Elle me fait patienter dans un salon qui doit faire huit fois la superficie de mon chez moi.


Il est décoré avec des affiches publicitaires et des clichés des différents défilés de Bernisson.


Après quelques minutes à attendre et feuilleter des magazines de mode qui ne m’intéressent guère, je vois arriver Madame Agnès, la directrice du siège.


Elle me sert la main et m’invite à traverser le showroom orné de lustres et d’oeuvres d’art très abstraites.


« Il fait un temps magnifique aujourd’hui ! Voyez-vous un inconvénient si nous faisons l’entretien sur la terrasse ? »


En réalité la question de Madame Agnès ne réclame pas de réponse de ma part.


Avec une main délicatement posée sur mon épaule, elle m’entraine sur cet immense balcon.


On y aperçoit toute la rue et quelques arrondissements voisins… Le calme règne sur cet espace, le vacarme parisien semble ne pas parvenir jusqu’à nous.


Une table est dressée sur la terrasse. Un thé au jasmin et des viennoiseries nous y attendent.

Je suis un peu mal à l’aise dans cet univers. Je fais néanmoins tout mon possible pour ne rien laisser paraître.


Madame Agnès commence à me poser des questions sur mon parcours professionnel. Elle s’intéresse entre autre à mes études en Histoire de l’Art et ma passion pour l’écriture.


En décortiquant mon CV, elle tombe inévitablement sur mon dernier job chez Manoli. Un grand sourire se dessine sur son visage :


« Vous avez travaillé pour la maison Manoli ?! Natalia Da Silva est une grande amie à moi ! C’est une femme adorable ! cela ne vous dérange pas si je l’appelle pour quelques recommandations ? »


Je découvre que nous n’avons surement pas la même définition du mot « adorable ».


Je deviens aussi blanc qu’un cachet d’aspirine…


Connaissant le franc parlé de Natalia, je peux m’attendre à une publicité aussi néfaste que rabaissante.


Madame Agnès s’éclipse dans son bureau pour lui téléphoner.


Honteux, j’attends la sentence en noyant mon honneur dans ce succulent thé au jasmin.


J’ai la sensation d’être un imposteur.


Les minutes me paraissent interminables.


Les grandes fenêtres du bureau de Madame Agnès donnent sur une partie de la terrasse.


J’assiste impuissant à la disparition inévitable de son sourire au fil de cette conversation qui m’est inaudible.


Madame Agnès appelle sa secrétaire. Celle-ci se précipite dans son bureau.


Après quelques messes basses, elle revient et commence à m’enlever le thé et les viennoiseries de la table. Elle m’invite à quitter le showroom.


« Madame Agnes m’a demandé de vous ramener vers la sortie… »


La secrétaire est bien gênée… Mais elle exécute sa lourde tâche avec politesse et un brin de compassion.


Je suis raccompagné à la porte, sans un au revoir de Madame Agnès.


Il semblerait que, grâce à Natalia, tout Paris sait désormais que je suis un piètre vendeur.


Une seule chose pourra me remonter le moral : une soirée avec les copains !


Par cet fin de journée encore généreuse, nous nous retrouvons à la terrasse d’un bar pour refaire le monde.


Etrangement, je n’ai pas particulièrement envie de me confier sur mes projets d’auteur ce soir.


Néanmoins, je prends plaisir à écouter Eva, Sémy, Romain et Fred parler de peinture, de cinéma et de musique.


Je commence à m’inquiéter de ne pas réussir à décrocher un nouveau boulot.


L’image négative que j’ai laissé derrière moi chez Manoli semble me poursuivre et compromettre une hypothétique carrière dans la vente.


Romain m’évoque la possibilité d’être hôte d’accueil dans une banque.

Un travail qu’il avait fait, en revenant des Etats-Unis, en 2009.


« C’est pas particulièrement bien payé, je l’avoue, mais ça te laissera beaucoup de temps libre pour l’écriture ! »


Il me donne le nom d’une personne à contacter.


J’espère pouvoir sortir de cette situation.


Tout cela me donne l’idée d’une nouvelle chronique pour mon blog…


Que c’est difficile de grandir !


Chronique n°8

Si je regardais de plus près mon jardin secret, mon dévouement et mon amour pour l’écriture… je me rendrais certainement compte, qu’il ne s’agit que d’une fuite… une peur cachée, confinée, bien à l’abri des bruits assourdissants de la vie.


La peur d’aimer, de m’attacher… De m’engager… De grandir. Sommes-nous fragiles toute notre vie ou suis-je juste une statue de sucre ?

Le monde est violent, agressif, sans merci… Une fois hors de mes fantaisies, je suis dans une jungle aussi passionnante qu’inquiétante. Je transporte mes histoires partout. Mais la réalité de la vie les dévore, les amoche.


Je passe mon temps à fuir les échecs, la réalité, les obligations. Partout où les chemins de la vie me conduisent, je ne trouve pas ma place. Je suis toujours sur la touche, en dehors de la bulle… Jamais dans la vie toujours dans un rêve… Jamais remarqué, toujours effacé… Jamais admis, toujours incompris.

Je croyais que cela passerait en grandissant… Que je trouverais ma place. Pourtant, vingt ans plus tard, je suis toujours ce petit garçon timide et piètre écolier. Je suis encore une fois le dernier de la classe. En réalité, je n’ai pas grandi…


Je fais semblant. J’arpente les allées de mes tendres années en espérant y trouver une place… Mais est-ce encore un rêve candide ? L’artiste est-il en réalité un éternel vagabond qui ne souhaite pas grandir ? La solitude est-elle irrémédiablement liée à l’art ?


Je suis las de travailler à droite à gauche pour survivre dans la jungle parisienne... Las de condamner les portes de mon imaginaire... Las que la vie l’emporte toujours sur l’art… Je suis fatigué d’être ce que je ne suis pas pour quelques instants d’écriture.


Comme tous les enfants, j’adorais faire semblant… Jouer un rôle dans la cour de récréation. Me prendre pour ce que je n’étais pas… et ce que je ne serai jamais… Pourquoi aujourd’hui je n’y arrive plus ? Peut être que ce jeu a assez duré ?


En réalité, la vie n’a rien d’un jeu, son monde est effrayant…Et je ne le comprends pas, je ne l’admire pas. J’aimerai que les choses soient simples, légères… Je voudrais vivre dans mes histoires…Comme un enfant qui refuse de grandir.

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