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  • Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Un bouquet de bruyères cendrées (Chronique #161)


11 novembre 2018,

Me revoilà dans la vieille maison, chez mamie... Ici le passé semble bien plus palpable que l'avenir. Dans les armoires, les tiroirs, il y a des souvenirs qui s'entassent, des histoires que l'on ne comprend plus et des photographies qui s'effritent. Je lis et relis les lettres de guerre de 14-18 d'un parent que je ne situe pas, les documents de déporté de mon grand-père durant l'occupation allemande... Je me plonge dans le passé comme pour oublier que j'ignore où m'emmène mon avenir...


« Que la foule bien loin de nous suive nos routes insensées. Aimons et tombons à genoux et laissons aller nos pensées. Mon coeur dans l’ombre amoureuse, où l’enivrent deux beaux yeux… Pourvu que tu sois heureuse… » Pierre Parent

100 ans… 100 ans me sépare de cette lettre écrite quelque part… Quelque part dans la boue, dans sueur, dans le sang. 100 ans me sépare de cette lettre rescapée des trachées. Je ne sais que peu de choses sur Pierre. Etais-ce un oncle, un arrière grand-père, un ami, un amant ?… J’ignore quel lien le ramène à moi… Pourtant j’ai retrouvé un morceau de son histoire dans l’armoire de ma grand-mère… Un carnet de guerre, quelques photos et des lettres.

Plus personne n’est là pour me raconter l’histoire de Pierre. Il restera à jamais un mystère, une énigme. Un visage doux et apaisé que je ne comprendrai jamais… Un soldat inconnu. Cela fait longtemps que l’envie d’écrire sur la grande guerre trottait dans un coin de ma tête. Sans savoir que je retrouverai, un jour, cette boite dans notre vieille maison de Lesgor où tant de souvenirs s’étaient entassés.

Qui était Pierre ? ce garçon si jeune et plein d’avenir… Quels étaient ses rêves, ses aspirations, ses projets. Il a emporté avec lui toutes les réponses. Dans ses lettres, il parle de ses déplacements, des villes détruites qu’il traverse, il clame son amour pour Margot. Il s’adonne même, sur certaines d’entre elles, à des allusions coquines qui pourraient prêter à sourire si elles n’avaient pas été écrites dans un contexte aussi glaçant.

En fouinant dans son carnet de guerre, dans ses lettres, j’ai tantôt l’impression de m’immiscer dans la vie d’un inconnu et tantôt la sensation d’être en famille, légitime en exhumant ses souvenirs. En parallèle de mes chroniques, de mes marches dans les vallées basques, de l’écriture de Faery et de Pine RIdge, je gribouille depuis plusieurs mois un semblant d’histoire sur cette guerre.

Tandis que je m’apprête à quitter Chankoowashtay et les plaines du Dakota, j’entrevois de plus en plus l’écriture de ce nouveau roman… Un roman qui prendra place dans un autre coin de pays cher à mon coeur : Les landes. L’histoire de trois amis (Henri, Louis et Joséphine), de trois rêves bien distincts qui semblaient inébranlables au milieu des bruyères cendrées… Trois destins qui se séparent, trois rêves qui se brisent dans les jours sombres de la guerre.

Perdre l’amour de sa vie… N’y a t-il pas pire tragédie ? Peut-on s’en remettre un jour ? Comment vivre avec des fantômes ? Comment accepter d’être passé à côté de LA personne ? Comment se résoudre à la laisser partir ? Ces questions, j’ai moi même dû les affronter. Pour la première fois, j’ai peur d’écrire, de faire naître ces nouveaux personnages… J’ai peur qu’ils ne soient que le reflet de ma douleur.

Je ne sais que peu de choses sur Pierre Parent… Alors, son visage sur cette unique photographie d’avant guerre, sera celui de mon nouveau personnage Henri Poutenx, le héros des « Bruyères Cendrées ». Ce personnage portera mon âme d’artiste, mon envie de changer le monde, mon amour et mon insouciance. Pierre ne m’en voudra pas d’entretenir sa mémoire en entremêlant une part de ma sève d’artiste à ses quelques souvenirs.

100 ans… 100 ans me sépare de cette lettre écrite quelques part… Quelque part dans la boue, dans sueur, dans le sang. 100 ans me sépare de cette lettre rescapée des trachées. Etais-ce un oncle, un arrière grand-père, un ami, un amant… J’ignore quel lien le ramène à moi… Alors je lui écris une nouvelle histoire… Je pose sur sa mémoire un bouquet de bruyères cendrées…

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